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Futaie — Tchernoziom

by Régis Renouard Larivière

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1.
Futaie 14:03
2.
Tchernoziom 18:45

about

Futaie (1996), 14’

By the way it unfolds over time, like a long and slow sentence of which only the punctuation remains, by opposition of flat tints between motionless masses and useless fulgurances, “Futaie” has something more to do with the time of a description than with the description of a particular object: it is difficult to find there figurations of country groves or small rabbits... Although...
“Futaie” is a hollowed out, widened, distended moment, trying to render, by means of the temporal succession, which is inherent in music, the feeling of a simultaneous time, of a “common presence” of things, in their individual and joint durations, in the way trees form a “futaie” (forest). Like a moment dismantled, deconstructed, presented successively. A sort of ceremonial music, but a ceremony without worship, slow, stretched, and by its slowness guaranteeing itself the small beer of the heartbeat, at the same time set, threatened and aroused by the silence that surrounds and crosses it, it takes up concerns that were already mine in my previous piece, “Bromios”. Their common concern is that of rising and silence. A concern for which Acousmatic music may be a particularly good bearer, as it works on the principle of sounds that are cut off from their causes and free from their origins.
“Futaie” was composed in a few weeks, after a very long preparation, between last July and January, in the G.R.M. studios.

R.R.L., February 1996

Tchernoziom (1998), 18’

“Tchernoziom”, noun (There are other spellings Cernozem, Tchernozem, Tchernozion, etc.). Noun coming directly from a Ukrainian word meaning “black earth”, and referring particularly to these Ukrainian lands, a millennia-old mixture of loess and organic matter, reputed for their extreme fertility.
“Tchernoziom”, as a title, therefore has something to do with the “Steppes of Central Asia”, or with the “Song of the Earth”. But it is a song of the earth-matter: rough lumps, grained powders, fluid dust; porosity, friability, erosion.
A study with brief, iterative sounds and ascending motifs.
Work on the notions of cycle and catastrophe.

“Black Earth” (Chernozem) is the title of a poem by Ossip Mandelstam from 1935:

Black Earth (Chernozem)

Too weighty, too black, all that's piled up,
all that's heaped, shrinks, what's well-aired,
all of it crumbles, all shaping a chorus—
moist clods for my oxen, my earth!

In days of spring ploughing—black, near blue,
and for peaceful work the solid ground—
a thousand heaps of furrowed speech—
something unbounded within its bound!

Yet the earth's a blunder, the butt of a tool:
you can 't move it by falling down at its feet:
it sharpens the hearing, a mildewed flute,
your ears with that cool dawn clarinet meet.

How pleasing the rich layers to the blade,
how silent the steppe, in April's ploughing...
Well: live long, black earth: be firm, clear-eyed—
here there's a black-voiced silence working.

(Translation by A.S. Kline)

Régis Renouard Larivière (1959-)

Régis Renouard Larivière was born on 3 December 1959 in Paris. He decided to devote himself to acousmatic composition following the Adac-GRM training course he attended at the end of 1984 with Jacques Lejeune and Philippe Mion. He has been teaching since 1990. He is currently professor of composition at the Conservatoire Royal de Mons (Arts2) in Belgium. He has written numerous articles on various electroacoustic composers (Parmegiani, Bayle, Schaeffer...), as well as on Schaefferian concepts. His piece “Futaie” won the Ars Electronica prize in 1996. His catalogue includes about twenty pieces. He also works for film and stage (regular collaborations with David Braun and Audrey Barrin).

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Futaie (1996), 14’

Commande de l’INA grm

Par la façon dont elle se déploie dans la durée, comme une longue et lente phrase dont il ne resterait que la ponctuation, par oppositions d'aplats entre masses immobiles et fulgurances inutiles, “Futaie” a quelque chose à voir avec le temps d'une description plus qu'avec la description d'un objet particulier : difficile d'y trouver des figurations de bosquets champêtres ou de petits lapins ...Quoique ...
“Futaie” est un instant creusé, élargi, distendu, tentant de rendre, par le moyen de la succession temporelle, qui est inhérent à la musique, le sentiment d'un temps simultané, d'une “commune présence” des choses, dans leurs durées à la fois individuelles et conjointes, à la façon dont les arbres forment une futaie. Comme un instant démonté, déconstruit, présenté successivement. Sorte de musique de cérémonie, mais d'une cérémonie sans culte, bouclage lent, étiré, et par sa lenteur se garantissant de la petite bière des pulsations cardiaques, à la fois sertie, menacée et suscitée par le silence qui l'entoure et la traverse, elle reprend des préoccupations qui étaient déjà les miennes dans ma pièce précédente, “Bromios”. Leur souci commun est celui du surgissement et du silence. Souci dont il est possible que la musique acousmatique soit particulièrement porteuse, elle qui d'emblée et par principe travaille les sons coupés de leurs causes, libres de leurs provenances.
“Futaie” a été composée en quelques semaines, après une très longue préparation, entre juillet et janvier derniers, dans les studios du G.R.M.

R.R.L., février 1996

“Futaie : hypotypose de l’immobile”
(musica falsa n°12, automne 2000)

Le lundi 18 mars 96, était donnée au GRM (Groupe de Recherches Musicales) la première de “Futaie”, de Régis Renouard Larivière. Jean-Christophe Thomas écrivait : “Il semble venir d’une autre planète, Régis Renouard Larivière. Parle-t-il notre langue ? Quelque langue orientale, plutôt : derrière le fameux ‘voile acousmatique’ (1), l’instrumentarium supposé (percussion massive et flûte aigre) ne s’entend guère ès ‘habituelles’ (le mot n’est pas heureux) musiques acousmatiques. À part une parenté avec une certaine veine Henry (celui des boucles et des points — poings — fracassant en cadence — le silence) l’originalité de son propos est tout à fait... frappante : cette œuvre s’offre l’expérience — ‘orientale’, donc — d’un temps glacé, contemplatif et solennel, d’un devenir bloqué (comme dit le philosophe (2)) presque effrayant. Temps qui par plaques se dégèle doucement, par accès brusques, un peu comme craque et fond, par lents à-coups, une banquise, poussant des cris d’effroi dans son épouvantable solitude (3)...”, etc.
Or, aujourd’hui, la pièce paraît en disque (4) ! Une occasion, amateurs spoliés — malheureuses dupes — de musiques technos que vous êtes, d’enfin vous assouvir de ce que vous aimez vraiment (je le suppose, espère pour vous, du moins) sans le savoir, sans le connaître (5).

“Futaie” : la singularité, notons-le, du parcours — n’est que fonction de la perfection cristalline (boulézienne !) de la substance, de l’orchestration : certes sans elle, l’aventure savoureuse d’un immobile parcours ne pourrait exister ; c’est la qualité substantielle du syntagme (sa verticalité) qui fait sa valeur narrative (horizontale) (6)... Ce rien ne pouvait être dit qu’avec éclat — et densité mallarméennes. (Plus simplement : ce que raconte ce récit immobile, qui ne raconte presque rien, aucune substance bête ne l’eût raconté. Quand il n’y a rien à raconter, c’est là qu’il faut savoir s’y prendre (7).) Nous sommes — donc — en pleine pâte poétique, et la musique, pour une fois, comme on dit qu’elle le fait toujours (alors que ça n’est pas le cas (8)), ne raconte qu’elle-même.
Pas tout à fait, cependant ; ces magnifiques ponctuations dans un silence énorme sont comme les rendez-vous de contrepoints ponctuels instantanés, ramassés quasi à la verticale — richesse de l’instant. Sont amas successifs (ordre ou bien désordre aimanté, impavide et faussement périodique, autour d’une cible invisible) de coïncidences trépignantes, barbares et raffinées — simultanéités de coups cruels en grappes autour d’un cœur mat grave désignant l’épicentre du séisme ; et tous les partenaires, comme des séides, précipitant leurs couteaux et poinçons entrecroisés, théâtralement, dans cette chair qui est la nôtre. (“Tu quoque, fili” (9)). Cela aussi, c’est une histoire...
...Celle, donc, petite histoire, du grain grossi de la substance, ou bien de l’immobilité, écrite en points, en lignes — en un espace superbe. Comment est-ce qu’une musique immobile bouge, nous le voyons ici de près : avec un luxe de détails qui est la seule manière (hédonistes définitifs que nous sommes) de nous motiver à ce monde inhabitable, et qu’on eût cru austère. Tu parles ! Quelques détails encore sur ce détail, et sur ce luxe austère, sur ce relief, qui progressivement fondent un monde, qui est “Futaie” : machine à percevoir le plus minuscule changement, il va falloir qu’elle, donc, théâtralise (nous inspirant terreur-pitié) ce qu’on eût cru des paramètres abstraits, “des notes”, etc. — et qui était “le monde” comme disent les phénoménologues, c’est-à-dire : la musique (10). Ainsi tel tressautement, changement au sein du même, devient pour nous “toute une affaire”, très pertinente : un départ en voyage, en vacances, un décollage... et avec l’émotion (l’émotion restituée proustienne) de quand nous étions des petites filles s’embarquant pour la Grèce — Cythère évidemment —, à dix ans pour la première fois. L’ajout d’un milligramme dans un appui, de deux millisecondes dans la durée d’un souffle, nous donnent, tant ils sont efficaces, le même émoi que l’ébranlement de la carlingue énorme commençant à rouler sur le sol de l’aéroport : comme on dit, il fallait le faire ! C’est, donc, comme vous ne les aviez jamais goûtés, “le charme des lieux fuyants et le luxe” surtout “surhumain des stations” (11) ... et l’osmose dialectique des deux instances, la statique et la dynamique, chacune multipliée par l’autre, ou par la réticence de l’autre (toute une érotique...). Quant à ces percussions superbes, impotentes et vannées (qu’un autre se fût contenté de nous donner “massives” (12)), ce sont ici des empereurs romains de Fellini, ou, mieux, son Trimalcion (qui, physiquement, ressemble à Pierre Schaeffer (13)) hautainement avachi. Etc. : vous voyez l’idée (14) ? Vers la fin, envolée, gratifiée de richesses sans nombre d’avoir su se rétentionner, l’habileté des combinaisons est telle que l’on pense à du Bach maniant, mathématiquement et en plein ciel, du silence et des objets granitiques (réflexes (15)).

Jean-Christophe Thomas

1. Pythagore, Peignot, Schaeffer, Bayle.
2. Jankélévitch.
3. Et j’entendais celle de son expérience du temps, si éloignée de l’expérience de ses pseudo-contemporains : nous-autres, les humains, et en particulier amateurs de musiques (occidentales) Un morceau de cosmos, en somme, à avaler.
4. Régis Renouard Larivière : “Futaie, Tchernoziom”, INA GRM ; M10 275
732.
5. Mais est-il encore temps ? C’est la troisième fois, dans ces colonnes, que je tente d’arracher vos jeunes forces détournées, vos jeunesses pédophilisées (hélas, sans que personne ne s’en inquiète) à ces fades subtstituts : et cependant, je ne vois toujours pas pâlir l’étoile Absinthe de cette ilote musique idiote pas même ivre ; je ne vais pas passer ma vie à faire des actes de salubrité publique ; mieux vaudrait que j’entrasse dans la Police.
6. On pourrait parler, classiquement, de dimension harmonique : c’est l’harmonie qui éclaire une mélodie, qui la fait exister comme mélodie (lui donnant son relief, par une cause invisible au profane, sa “présence”) et non l’inverse.
7. Tous les baratineurs de filles me comprendront.
8. La musique “par essence incapable d’exprimer quoique ce soit”, etc., l’adage prêté à Stravinsky, et qui n’était qu’une plaisanterie (je le connais mieux que vous), une plaisanterie-provocation, peut-être égayée de Vodka. (En fait, il aimait beaucoup mieux le Whisky, moi aussi.) Mais il n’en faut pas plus pour les musicologues à se fabriquer pour l’éternité une de leurs deux ou trois références culturelles, en bois.
9. Julius Caesar
10. François Bayle, évoquant “la question sérieuse de savoir où est la frontière du musical et du musicable” : “Si l’on pense que dans un morceau appelé “La Mer”, en proposant une forme qui évoque la vague, on fait intervenir un effet de signification extérieur à la musique, je ne suis pas de cet avis. La musique n’habite pas une région si petite que les choses resteraient dehors, hors de son atteinte” (“Ouïr, entendre, écouter, comprendre après Schaeffer”, Buchet-Chastel, 1999)
11. De qui ? Ceux qui trouveront sont obligés d’acheter le disque.
12. Ici l’on ne sait plus si je parle du musicien ou bien de l’auteur de ces lignes, vous noterez ; du commentateur, ou du compositeur de l’œuvre qui l’inspire… L’ambiguïté est la preuve que le génie est des deux côtés : mais c’est grâce à l’œuvre et vous pourriez (si si) en faire autant, l’écoutant.
13. Fellini “Satyricon”.
14. Pour cette idée du “miracle du relief” : cf. aussi la figure “hypotypose”.
15. “Bourreaux de solitude”, in “Le Marteau sans Maître.”

Tchernoziom (1998), 18’

Commande de l’INA grm

“Tchernoziom” n. m. (On trouve d'autres orthographes Cernozem, Tchernozem, Tchernozion, etc.). Nom provenant directement d'un mot russe signifiant “terre noire”, et désignant particulièrement ces terres d'Ukraine, mélange millénaire de lœss et de matières organiques, réputées pour leur extrême fertilité.
“Tchernoziom”, en tant que titre, a donc quelque chose à voir avec les “Steppes de l'Asie Centrale”, ou avec le “Chant de la terre”. Mais il s'agit d'un chant de la matière-terre : grumeaux râpeux, poudres grenues, poussières fluides ; porosité, friabilité, érosion.
Étude aux sons brefs, aux sons itératifs et aux motifs ascensionnels.
Travail sur les notions de cycle et de catastrophe.

“Le Tchernoziom” est le titre d'un poème d'Ossip Mandelstam de 1935 :

Le Tchernoziom

Trop vénérée, trop noire, de soins toute gâtée,
Toute en garrots velus, toute d'air et d'égards,
S'effritant tout entière et formant un choral,
Mottes humides de ma terre et de ma liberté !

Dans les premiers labours, noire jusqu'à l'indigo,
Et le travail désarmé prend en elle naissance :
Collines par milliers dans les labours des mots
Comme s'il existait un cercle sans circonférence.

Terre pourtant, tête de hache, égarement —
Même à qui se jette à ses pieds, toujours rebelle,
Flûte qui rabote l'oreille en son pourrissement
Clarinette matinale figeant l'ouïe sous le gel.

Et comme elle se tait, la terre retournée en avril
Et comme elle est grasse sur le soc, et jouissance !
Eh bien ! je te salue, Tchernoziom aux grands yeux, sol viril,
Noir langage en labeur du silence !

(Traduction François Kérel)

Régis Renouard Larivière (1959-)

Régis Renouard Larivière est né le 3 décembre 1959, à Paris. Il décide de se consacrer à la composition acousmatique à la suite du stage Adac-GRM qu’il suit, fin 1984, avec Jacques Lejeune et Philippe Mion. Il enseigne depuis 1990. Il est actuellement professeur de composition au Conservatoire Royal de Mons (Arts2), en Belgique. Il a écrit de nombreux articles consacrés à différents compositeurs électroacoustiques (Parmegiani, Bayle, Schaeffer…), ainsi qu’aux concepts schaeffériens. Sa pièce “Futaie” a obtenu le prix Ars Electronica en 1996. Son catalogue comprend une vingtaine de pièces. Il travaille également pour le cinéma et la scène (collaborations régulières avec David Braun et Audrey Barrin).

credits

released May 14, 2021

Originally released in 2000
℗ 1996, 1998 Régis Renouard Larivière
© 2021 INA grm
Cover image: Evelyne Tschirhart
Cover design: Bernard Bruges-Renard

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